Nous avons pris le soin de rédiger ce petit article suite aux échanges que nous avons eu la chance de mener avec notre stagiaire, Philippe, durant ce mois de mai.
En effet, à la remarque, ô combien pertinente, formulée par Philippe au sujet des formations asynchrones – « je m’y suis souvent ennuyé » « j’ai plus appris en 1H avec vous {ndlr : Shifumi} que durant toutes les dernières formations que j’ai pu suivre ! » – nous avons aussitôt réagi.
Pourquoi une telle remarque ? Pourquoi Philippe, comme tant d’autre apprenants à distance, s’était-il autant ennuyé en formation ?
Nous allons vous retranscrire ici le fruit de nos échanges et ce qui constitue, in fine, le mantra de Shifumi en matière de elearning.
Qu’est-ce qui fait qu’une formation est une « bonne » formation ?
En tant que fervents partisans de l’approche contradictoire, nous avons donc posé la question autrement :
« Philippe, pourrais-tu nous citer les formateurs qui, dans ta carrière, t’ont marqué ? »
Philippe réfléchit un court instant et nous répond fort justement que « c’est un peu comme les profs » : ceux qui nous ont vraiment apporté quelque chose demeurent malheureusement rares. Si nous sommes d’accord pour reconnaître que tous maîtrisent correctement leur sujet et sont d’un abord agréable, rares sont ceux qui ont réussi à nous faire ancrer des messages, durablement, de manière efficace et impactante.
En écrivant cela, nous sommes bien conscients que nombre de nos consoeurs et nos confrères commencent à froncer les sourcils.
L’andragogie, base d’une formation réussie
Pourtant, nous sommes bien d’accord que former des adultes n’est en rien comparable à instruire des enfants : l’andragogie diffère radicalement de la pédagogie. L’andragogie – la formation des adultes – nécessite de faire vaciller les certitudes de l’apprenant. Car les adultes, contrairement aux enfants, bénéficient d’une expérience et déjà de compétences : celles-ci peuvent constituer un frein à leur apprentissage. En étant persuadé qu’ils « savent déjà », ou qu’ils n’ont « pas besoin »…. ils sont, par définition, moins perméables aux nouveaux enseignements que les enfants.
Ce mécanisme est parfaitement naturel et fort heureusement grâce à celui-ci, aucun adulte – du moins parmi ceux que nous connaissons – n’a besoin de repasser par la case Auto-École pour prendre son véhicule et se rendre sur son lieu de travail chaque matin !
L’adulte doit donc désapprendre pour apprendre ou du moins douter (ah ! le fameux « je doute donc je suis » cartésien !).
Pour aller plus loin sur ce sujet dont les ingénieurs pédagogiques – dont nous sommes – raffolent, voici un article sur les 6 principes de Malcolm Knowles qu’on considère volontiers, avec Eduard Lindeman, comme le père de l’andragogie.
L’andragogie donc…
En revanche, elle n’est pas le seul remède contre ce risque naturel numéro 1 en formation, que nous appellerons « penchant professoral ».
L’alternance théorie/ pratique
En tant que formateur, vous vous êtes peut-être déjà aperçu que, dans nombre de formations, près de la moitié (c’est une statistique un peu vague, certes) des apprenants peinaient à comprendre des généralités, des concepts qui vous paraissaient pourtant simples.
En effet, animer une formation constituée d’apports théoriques seuls ne suffit jamais à s’assurer de la compréhension et de la mémorisation correctes des blocs de compétences. La bonne méthode consiste en la stricte alternance théorie / pratique : un apport théorique doit systématiquement être suivi d’une mise en pratique, sous peine d’être oublié ou mal compris.
Exemple :
1/ explication de ce qu’est l’assertivité
2/ quizz : reconnaître un comportement assertif/ non assertif ? vrai / faux ?
3/ mise en pratique en rapport avec le domaine professionnel
De plus, qui dit « mise en pratique » dit adaptation dans le domaine d’activité qui concerne vos apprenants.
Exemple : un apprenant qui a l’habitude d’appeler son N+1 un « chef d’équipe » ne va pas comprendre immédiatement si vous utilisez le terme de « manager » ou de « chef de secteur ». Vous allez donc adapter aussi la terminologie de vos mises en pratique à l’environnement de vos apprenants.
Le « capital chouquettes » en formation
Ah ! Les chouquettes, les croissants et autres viennoiseries…. (soupir) : le seul aspect du présentiel que nous regrettons vraiment amèrement chez Shifumi !
Ce que nous appelons « capital chouquettes« , c’est la métaphore ultime de la convivialité en formation : l’ingrédient qui fait que votre formateur, en présentiel, va pouvoir muer son 5 sur 10 (dans son questionnaire de satisfaction « à chaud ») en 6 ou 7 sur 10 parce qu’il était ultra ultra sympathique ! Convivial, drôle, à l’écoute…. et avec un plein sac de chouquettes toutes fraîches ! Le bonheur absolu !
On le voit, la réussite d’une formation présentielle tient à beaucoup et à peu de choses en même temps : la convivialité du formateur constitue la pierre angulaire de la satisfaction des apprenants et peut, parfois rattraper un contenu insuffisant ou une approche andragogique mal adaptée.
Quels sont les ingrédients d’une « bonne » formation asynchrone ?
Bon, inutile de re-préciser que LA différence majeure entre le présentiel et le distanciel asynchrone c’est la disparition de ce « capital chouquettes » réel…
Pas d’à-peu-près : vous êtes filmé(e)s !
Avant de vous livrer tous les ingrédients d’un elearning réussi, nous rappelons qu’une formation asynchrone est une formation dont le contenu est enregistré et mis en ligne AVANT que l’apprenant n’en prenne connaissance. Donc contrairement au synchrone (formation présentielle ou distancielle en visioconférence, classe virtuelle etc.), le formateur n’est pas en direct, en face-à-face.
Ceci est une évidence. Ses conséquences, en revanche, sont parfois moins évidentes.
Conséquence 1 : en asynchrone, le formateur perd sa capacité à improviser. En l’absence de spontanéité, il court aussi le risque de diminuer voire de faire disparaître son « capital chouquettes« . La formation asynchrone manque alors de chaleur, d’énergie : elle devient ennuyeuse.
Conséquence 2 : en asynchrone, le formateur est comparé à tout ce que les apprenants voient de près ou de loin sur un écran, à la télé, sur Youtube, sur des plateformes de streaming, sur Linkedin Learning. Donc potentiellement, le formateur doit au moins être « aussi bon » que ce qu’ils ont l’habitude de visionner, sous peine de ne pas être regardé/ écouté. Il n’y a donc aucune place pour l’à-peu-près : script, durée, rythme, lumière, cadrage, prise son, diction… tout doit être impeccable.
Un formateur avec une vidéo mal enregistrée ou une image mal éclairée va, par exemple, donner l’impression d’une impreparation, d’un manque de professionnalisme : sa légitimité sera remise en question par l’apprenant.
Le choc andragogique dans le elearning
Nous avons défini l’andragogie et la nécessaire adaptation de la méthode de formation pour les adultes. Ceci ne s’applique pas qu’aux formations en présentiel : au contraire. L’utilité du choc andragogique est encore plus évidente en distanciel asynchrone.
En effet, l’adulte connecté sur son ordinateur, avec la tentation permanente de jeter un coup d’oeil à ses mails professionnels ou sa messagerie instantanée doit plus que jamais être tenu en haleine par sa formation. Alors comment ? Comment éveiller la curiosité, déstabiliser cet apprenant qui n’a qu’une hâte : celle de retweeter telle nouvelle ou d’envoyer un snap montrant à quel point il bulle devant son écran ?!
De manière très concrète, vous avez le choix entre deux « bottes secrètes » : le décalage ou le challenge.
L’approche décalée consiste à aborder le sujet de la séquence de formation à contre-courant : vidéo de mauvaises pratiques, bêtisier, vrai-fausse interview, etc. Vous pouvez, si cela vous aide et si vous prenez le soin de limiter l’extrait et de citer vos sources, diffuser une vidéo extraite d’un film, d’une série, d’un dessin animé, d’une publicité, etc. Cette courte séquence fixera l’attention de l’apprenant qui sera alors fin prêt pour ancrer les apports théoriques.
L’approche « challenge » constitue une mise en situation proche d’une « mission impossible » : problème insoluble, casse-tête, défi extrêmement difficile… Ce petit échauffement permet de faire vaciller dans ses certitudes l’apprenant qui doutait, et d’intéresser les autres. De la même manière qu’avec l’approche décalée, vous avez gagné l’attention de votre audience. Profitez-en : cela ne durera que quelques minutes et vous permettra juste d’effectuer les apports théoriques avant la mise en pratique !
L’approche andragogique en elearning
L’approche andragogique utilisée en présentiel va pouvoir être adaptée en distanciel asynchrone.
Dans notre équipe, nous avons pour habitude d’utiliser ce que nous appelons parfois pompeusement la « 3A » ou « Approche Andragogique ACTES« . ACTES est un acronyme qui permet de mémoriser le séquençage que nous recommandons en présentiel comme en elearning :
5 « ACTES » avec
1 – A comme autodiagnostic
2- C comme choc andragogique,
3 – T comme théorie,
4 – E comme exercice ou expérimentation,
S – comme suivi : c’est dans cette phase qu’intervient le retour d’expérience, la classe inversée ou le mentorat avec un formateur en ligne, un tuteur sur place.
Afin de constituer une méthode andragogique cohérente, ces 5 actes s’enchaînent telle la roue de Deming, dans une démarche cyclique d’amélioration continue : à l’issue du « S », on réalise un nouvel auto-diagnostic pour mesurer l’acquisition des compétences des apprenants.
La « patte » du formateur en elearning
Pas d’à-peu-près, choc andragogique, approche en 5 ACTES : voilà déjà quelques éléments pour élaborer des formations asynchrones équilibrées.
Cependant, il manque l’essentiel : le formateur ! Oui, car n’en déplaise aux amateurs de « formations sur étagère », ce qui fait la qualité d’une formation c’est le formateur, c’est son approche, c’est sa personnalité, son originalité, sa culture personnelle, son angle d’attaque, ses expériences… Jamais vous ne pourrez comparer votre formation asynchrone, élaborée avec votre coeur et vos tripes (oui, chez Shifumi, nous sommes des passionnés !!!) à un contenu sur étagère neutre, en marque blanche et donc identique pour tous les organismes de formation acheteurs.
La « patte » du formateur est une chose difficile à retranscrire, au départ, de manière asynchrone : cela se prépare, se travaille. Il faut, pour ce faire, être conscient de « son ADN » en tant que formateur. En cas de doute ou de questions à ce sujet, notre équipe sera ravie de vous aider à définir cette identité qui va vous permettre de faire la différence en ligne : plutôt face caméra, plutôt voix off, plutôt décalé avec des animations ? docte ? amusé ? incisif ?
Tout ceci constitue votre spécificité : ce n’est pas parce que la formation n’est pas organisée de manière présentielle que l’aspect humain du formateur n’apparaît pas. Vous êtes le concepteur du parcours, le rédacteur du script, éventuellement la voix off de la video ou le visage en incrustation dans la video : votre présence, votre identité, votre personnalité sont plus que jamais nécessaires pour donner vie à votre parcours de formation asynchrone.
La recette d’une formation asynchrone réussie
Maintenant que vous disposez des ingrédients du elearning, nous pouvons aborder la recette en elle-même : qu’est-ce qui va faire que votre elearning sera captivant, passionnant et non soporifique comme beaucoup de contenus en ligne que vous subissez ?
3 ingrédients : le e-formateur, le e-formateur, le e-formateur !!!
Et bien, nous ne le rappellerons jamais assez : c’est bien le formateur qui constitue la formation. A ce propos, ne lésinez pas sur l’investissement en matière de compétences – la norme Qualiopi (critère 5 : indicateurs 21 et 22) vous le rappelle d’ailleurs volontiers – : lisez, faites de la veille, formez-vous ! Vous êtes un formateur/ une formatrice expérimenté(e) et n’avez jamais été acculturé à l’ingénierie pédagogique ? Profitez d’une accalmie dans votre activité pour parfaire vos connaissance et monter en compétences sur ces sujets. Il existe d’excellents programmes de formation sur l’ingénierie pédagogique propre au digital et la digitalisation des offres de formation. 😉
Des outils (LMS, outil auteur) de qualité avec un interlocuteur technique
Une fois le formateur aguerri et méthodologiquement paré, il ne reste plus qu’à outiller la démarche.
Nous avons déjà abordé ces aspects-là de la formation asynchrone. Les bases d’un parcours réussi reposent sur les 3 piliers suivants :
- un système de gestion des contenus de formation et des accès aux contenus de formations pour les apprenants ou Learning Management System (LMS) : de nombreux outils existent en la matière. Un conseil seulement : veillez à vérifier que la plateforme respecte la RGPD, propose un outil dont les serveurs sont hébergés en France, ne vous surfacture pas l’apprenant supplémentaire ou le parcours supplémentaire. Pour ce faire, définissez clairement votre besoin ainsi que votre maturité digitale : si vous ne vous sentez pas l’âme d’un geek, alors choisissez des solutions clés en mains avec une équipe support disponible et joignable par téléphone.
- un outil auteur adapté à votre besoin : un long, documenté et passionnant article a d’ailleurs été rédigé par notre équipe à ce sujet. pour ne pas nous répéter, nous vous en conseillons la lecture du post H5P, C’est quoi ? Et pourquoi votre eLearning en a besoin !
- un interlocuteur technique dédié : il ne faut pas sous-estimer les difficultés techniques que peuvent rencontrer vos apprenants en se connectant à votre instance de formation, pour la première fois et même, parfois, pour la deuxième fois. En effet, nombre des apprenants sont des néophytes en matière de formation asynchrone. Il vous appartiendra donc de les accompagner, parfois en visioconférence, pour les aider à réaliser leurs premiers pas en ligne. Là aussi, la certification Qualiopi attache une importance particulière à la désignation d’un interlocuteur « elearning » et à la « prévention des décrochages » pour les dispositifs de formation asynchrones.
De la variété sans perdre la cohérence d’ensemble
Enfin, en guise de cerise sur le gâteau de vos formations asynchrones, il vous appartiendra aussi de varier les approches andragogiques afin de ne pas lasser l’apprenant.
Cela signifie que les types d’apports comme de mises en pratique doivent être variés : videos, motion design, quizz, mises en situation, vidéos interactives, etc.
Cette variété doit permettre de maintenir l’attention de l’apprenant mais ne doit pas nuire à la cohérence d’ensemble du parcours : ainsi, si la structuration en 5 ACTES est respectée et que votre parcours possède une cohérence graphique, vous ne risquez pas de perdre l’apprenant dans les méandres de vos titres de section, modules, chapitres, séquences et autres dénominations dont vous seul avez la maîtrise au sein de votre plateforme.
Pour conclure, créer des formations asynchrones ne s’improvise pas : cela s’apprend.
Au-delà des compétences intrinsèques du formateur en andragogie, de l’ingénierie propre au elearning, de la maîtrise des outils de conception de formations asynchrones, ce nouveau métier de e-formateur nécessite d’exprimer pleinement son originalité, son identité andragogique.
À la manière d’un romancier qui possède son style, reconnaissable entre mille, le e-formateur crée des formations asynchrones avec sa personnalité, son expérience, ses compétences et son inspiration de formateur.